Shady Abdel Whab, rédacteur en chef de Trending Events Periodical, chef du Service des études de sécurité
La coalition arabe au Yémen et les Émirats arabes unis (EAU) en particulier a joué un rôle vital en soutenant le gouvernement yéménite dans sa guerre contre al-Qaïda et les rebelles Houthi. Ces campagnes ont réduit l’influence d’al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQAP) et les menaces des Houthi pour la sécurité maritime dans le détroit de Bab-al-Mandeb, contribuant ainsi à la sécurité régionale et internationale.
Cet article passe en revue la lutte des Émiratis contre l’AQAP ainsi que les efforts des Émiratis et des Saoudiens pour barrer la route aux Houthis, empêchant ainsi l’Iran de s’établir dans la cour sud de l’Arabie Saoudite.
Endiguer la menace al-Qaïda
L’AQAP a réussi à s’emparer des territoires du sud du Yémen à partir d’avril 2015, exploitant les luttes intestines entre le gouvernement légitime d’Abdrabu Mansur Hadi et les rebelles Houthi(1). Ces combats ont servi les objectifs militaires de l’AQAP, les forces américaines n’étant plus présentes pour mener des attaques contre l’organisation terroriste, tandis que les forces de sécurité et militaires yéménites étaient distraites de leur combat contre l’AQAP(2).
Ces événements ont permis à l’AQAP d’étendre son influence dans le sud du Yémen en forgeant des alliances tribales et en fournissant des services aux populations locales. Ils ont capitalisé sur le ressentiment local contre les autorités centrales et ont été aidés par l’effondrement des institutions de sécurité yéménites dans le sud (3).
Il convient de rappeler ici que l’AQAP ne se concentre pas seulement sur l’élargissement de sa portée au Yémen. Elle a été l’une des branches les plus actives d’al-Qaïda, dépassant même le siège d’al-Qaïda au Pakistan en tant que menace à la sécurité internationale. En particulier, l’AQAP a été une menace persistante pour l’aviation commerciale, grâce à son maître fabricant de bombes Ibrahim al-Asiri.
Al-Asiri a fourni au terroriste nigérian Umar Farouk Abdulmutallab une bombe en forme de sous-vêtements pour tenter de faire exploser un jet de Northwest Airlines transportant des passagers au-dessus de Detroit en 2009. Al-Asiri a également réussi à construire une paire de bombes dirigées contre un avion-cargo à destination des États-Unis, mais qui ont été interceptées en Grande-Bretagne et à Dubaï(4), grâce à un tuyau des services secrets saoudiens. Dans les deux cas, les bombes n’ont pas été repérées par les systèmes de détection des aéroports (5).
L’AQAP est également responsable de la publication du magazine Inspire, qui a appelé les extrémistes potentiels à commettre des attentats terroristes dans l’occident en leur fournissant des tactiques et en proposant des cibles potentielles. Dans ce contexte, la lutte contre ce groupe contribue à la lutte contre le terrorisme international.
Les EAU ont commencé à combattre l’AQAP en mars 2016, après la prise des parties sud du Yémen par les Houthis, en particulier Aden et Marib. Les frappes aériennes saoudiennes et émiraties ont visé des bases terroristes et des camps d’entraînement à Mukalla, Abyan et dans certains districts d’Aden(6).
En outre, les Émiratis ont formé des forces tribales de la province d’Hadramawt, telles que la Force d’élite Hadrami et ses forces de la « ceinture de sécurité », qui ont rassemblé une force de 12 000 combattants ayant réussi à expulser les forces d’AQAP de Mukalla avant avril 2016 (7). Depuis lors, les forces soutenues par les Émiratis ont utilisé Mukalla comme siège central pour diriger les opérations contre l’AQAP. Les États-Unis ont soutenu cette guerre en utilisant des drones pour cibler un certain nombre de dirigeants de l’AQAP au Yémen (8).
De plus, les forces spéciales américaines ont mené un raid conjoint avec les forces spéciales des Émirats arabes unis sur les alliés de l’AQAP en janvier 2017 ; les forces américaines et émiraties ont également conseillé environ 2 000 forces yéménites menant une opération contre les sanctuaires de l’AQAP dans la province de Shabwa en août 2017 (9).
Les efforts de lutte contre le terrorisme déployés par les Émirats arabes unis dans le sud du Yémen ont considérablement amélioré la situation en matière de sécurité, puisque, selon l’armée émiratie, « il n’y a eu que cinq attaques terroristes d’al-Qaïda au premier semestre 2018, contre 77 à la même période en 2016 » (10).
Ces opérations antiterroristes ont provoqué le mécontentement du groupe terroriste, qui a tenté de prendre pour cible l’armée émiratie et d’aligner les forces locales, tandis que les médias de l’AQAP ont critiqué le rôle des Émiratis dans la lutte contre l’AQAP (11). Malgré ces attaques, les commandants des Émirats arabes unis se sont engagés à rester au Yémen jusqu’à ce que le commandement central de l’AQAP ait été vaincu (12).
La présence émiratie est essentielle, car l’AQAP représente toujours une menace potentielle, surtout après que le groupe a cherché et trouvé refuge dans le terrain montagneux isolé d’Hadramawt, où il a conservé sa capacité à se regrouper et à activer des cellules dormantes (13).
Lutte contre les rebelles Houthi
L’Arabie saoudite a dirigé la coalition des pays arabes qui ont réagi au coup d’État dirigé par les Houthi contre le gouvernement légitime et internationalement reconnu du président Abdurabbuh Mansur Hadi en mars 2015. La coalition a inclus, en tête, les Émirats arabes unis ainsi que l’Arabie saoudite, Bahreïn, le Koweït, le Qatar, l’Égypte, la Jordanie, le Maroc, le Soudan(14).
L’objectif principal est d’empêcher les Houthis, les mandataires iraniens, de s’implanter au Yémen, un événement qui constituait une menace non seulement l’Arabie saoudite, mais aussi la sécurité maritime en mer Rouge et dans le détroit de Bab-al-Mandeb. Le détroit a une grande importance stratégique — plus de quatre millions de barils de pétrole y transitent chaque jour.
Il y avait plusieurs indicateurs d’une collusion entre l’Iran et les Houthis. Après que ces derniers ont réussi à prendre le contrôle de Sanaa’a, Ali Reza Zakani, un député iranien proche du guide suprême Ali Khamenei, a déclaré : « Trois capitales arabes sont aujourd’hui tombées entre les mains de l’Iran et appartiennent à la révolution islamique iranienne » et a ajouté que Sanaa est maintenant devenue la quatrième capitale arabe qui est en passe de rejoindre la révolution iranienne.
En outre, l’Iran s’est servi des Houthis pour perturber la sécurité de Bab-al-Mandeb au cas où une crise éclaterait avec l’Iran. Le général Naser Sha’bani, un haut responsable du Corps des gardiens de la révolution islamique (GRI), a été cité dans les médias iraniens le 6 août 2018, confirmant que Téhéran avait ordonné à la milice Houthi au Yémen d’attaquer deux très gros pétroliers de brut saoudiens et qu’il avait exécuté ces ordres (15). Quelques heures plus tard, le général de division iranien Qassem Soleimani a déclaré que la mer Rouge n’était plus sûre pour les navires américains, ce qui donne une nouvelle indication que l’Iran est impliqué dans cette attaque (16).
Selon un rapport de juillet 2018 d’un groupe d’experts de l’ONU, l’Iran s’est associé pour armer les rebelles Houthi du Yémen avec des missiles balistiques et des drones qui « présentent des caractéristiques similaires » aux armes fabriquées en Iran, malgré l’embargo sur les armes imposé depuis 2015 (17).
Ces indicateurs révèlent comment l’Iran utilise les Houthis comme mandataires et expliquent pourquoi la coalition arabe est intervenue au Yémen pour réduire l’influence iranienne et empêcher l’Iran d’établir une présence permanente près des voies maritimes stratégiques de la mer Rouge.
Les Émirats arabes unis ont joué un rôle vital dans la guerre. Ils ont, à ce jour, formé 30 000 soldats yéménites pour combattre les rebelles Houthi (18) et sont considérés comme le deuxième pays le plus actif dans la bataille pour les vaincre (19), surtout après que les forces des Émirats arabes unis ont rejoint l’opération visant à conquérir le port Hodeidah aux mains des rebelles.
Hodeidah se trouve à un endroit stratégique sur la côte ouest du Yémen, près du détroit de Bab Al Mandeb, et les Houthis ont utilisé son port pour lancer des attaques menaçant la sécurité maritime (20) ainsi que pour recevoir des armes iraniennes.
L’assaut contre Hodeidah peut être considéré comme l’un des principaux facteurs qui ont poussé les Houthis à s’asseoir à la table des négociations avec le gouvernement légitime en Suède au début du mois de décembre. De plus, le succès initial de la bataille de la coalition arabe à Hodeidah a forcé les Houthis à céder le contrôle du port aux Nations Unies (21).
En dernière analyse, le rôle de la coalition arabe au Yémen soutient le gouvernement légitime dans ses efforts pour conserver son contrôle sur le territoire yéménite, contribuant ainsi à la sécurité internationale et régionale. En outre, le rôle de la coalition arabe au Yémen devrait se poursuivre même si un accord de paix final est conclu entre le gouvernement légitime et les rebelles Houthi, car la reconstruction des institutions étatiques et de l’économie qui s’est effondrée nécessiteront une aide et un soutien internationaux.
[1[ Adam Baron, The Gulf Country That Will Shape the Future of Yemen, The Atlantic, 22 septembre 2018, accessible sur : https://bit.ly/2DjSzR8
[2] Katherine Zimmerman, AQAP : A Resurgent Threat, CTC sentinel, septembre 2015, Vol. 8, No. 9, p. 19.
[3] Eleonora Ardemagni, Uae’s military priorities in Yemen: Counterterrorism and the South, 28 juillet, 2016, ISPI, accessible sur : https://bit.ly/2STR9jl
[4] Bruce Riedel, Ibrahim al Asiri : al-Qaïda s ‘Genius » Bomb Maker, Brookings, 8 mai, 2012, accessible sur : https://brook.gs/2MHQoaR
[5] Yochi Dreazen, Al Qaeda in the Arabian Peninsula’s Most Dangerous Man Is Still Alive, Foreign Policy, 16 juin, 2015, accessible sur : https://bit.ly/2Bvfftu
[6] Ibid.
[7] Adam Baron, op.cit.
[8] Katherine Zimmerman, op.cit., p. 19.
[9] Kenneth Katzman, The United Arab Emirates (UAE): Issues for U.S. Policy, Congressional Research Service, no. RS21852, 25 octobre 2018, p. 13.
[10] Anjana Sankar, No compromis in war against Al Qaeda in Yémen, Khaleej Times, 14 août 2018, accessible sur : https://bit.ly/2NkMkB2
[11] Qatar helped Al Qaida target UAE troops in Yemen : diplomat, Gulf News, 20 juillet 2017, accessible sur : https://bit.ly/2EBWsRi
[12] Bel Trew, Inside the UAE’s war on al-Qaïda in Yémen, The Independent, August 15, 2018, accessible sur : https://ind.pn/2w7Emjw
[13] Anjana Sankar, No compromise in war against Al Qaeda in Yémen, Khaleej Times, 14 août 2018, accessible sur : https://bit.ly/2NkMkB2
[14] Jeremy M. Sharp, Yémen : Civil War and Regional Intervention, Congressional Research Service, 24 août, 2018, no. R43960, p. 1.
[15] Statements By Top IRGC Official Gen. Sha’bani Published By Fars News Agency : ‘We Told The Yemenis To Attack The Two Saudi Tankers, And They Attacked’, Memri, Special Dispatch No.7612, 7 août, 2018, accessible sur : https://bit.ly/2Mdxg7V
[16] Panic in Iran over Attack on Two Saudi Oil Carriers, Asharq Al-Awsat, 8 août, 2018, accessible sur : https://bit.ly/2MFc4Us
[17] UN panel finds further evidence of Iran link to Houthi missiles, Khaleej Times, 31 juillet 2018, accessible sur : https://bit.ly/2vmdv2N
[18] Bel Trew, op.cit.
[19] The UAE’s Role in Yemen and the Horn of Africa, ACLED, accessible sur: https://bit.ly/2yKhsjh
[20] Naser Al Wasmi, Why the battle for Hodeidah is important, The National, 14 mai 2018, accessible sur: https://bit.ly/2Gh8CLM
[21] Mina Aldroubi, Yemen war: UN to convene Yemen rivals by video link regarding Hodeidah ceasefire, The National, 18 décembre, 2018, accessible sur: https://bit.ly/2EtCJ5u