Hicham Tiflati
Démêler la vérité des fausses nouvelles est plus difficile aujourd’hui que jamais. Lorsqu’il s’agit de conflits, tant sur le front politique à l’échelle nationale ou sur le plan international avec des organisations terroristes telles que l’État islamique (EI), les médias sociaux sont désormais une arme de choix plutôt pratique. Ils fournissent un théâtre d’espionnage politique et de guerre pure et simple, véritable catalyseur de tout : des élections sabotées aux lynchages éclair, tel qu’en Inde, et constituent une composante des véritables guerres et du véritable génocide, tel que dans le cas de l’État islamique et le génocide des Rohingya.
Bien qu’Internet ait à l’origine, servi de moyen révolutionnaire pour soutenir les libertés individuelles, il a pris un tournant sombre lorsque les régimes totalitaires ont commencé à le bloquer et, finalement, à utiliser son pouvoir (à mauvais escient) pour leurs propres agendas maléfiques. Il a également joué un rôle plus désagréable encore lorsque des terroristes ont commencé à l’utiliser pour tuer.
Like War: The Weaponization of Social Media, rédigé par les experts de la défense P.W. Singer et Emerson T. Brooking, est un livre complet et bien rédigé sur la façon dont les médias sociaux sont utilisés en temps de guerre et en politique. C’est un volume absolument essentiel pour comprendre la nature de la réalité de nos jours. Les auteurs y présentent une vision historique de l’Internet et des médias sociaux, ainsi que de nombreux points de vue sur notre situation actuelle. Ils ont produit un livre à jour qui explique comment les médias sociaux sont utilisés à des fins terroristes et manipulés à des fins politiques et militaires.
Le livre commence par une présentation des conflits actuels et des événements qui animent le web et le monde et aborde ensuite l’histoire de l’Internet. Plus loin, il traite de la façon dont les événements actuels se déroulent sur Internet, en mettant l’accent sur la façon dont les activités en ligne affectent et représentent un véritable défi pour le monde réel et vice versa.
Il couvre un large éventail de phénomènes, y compris Donald J. Trump et l’élection de 2016, les trolls du gouvernement russe, l’Alt-Droite, l’État islamique, et les tactiques des FDI, dans une thèse complète sur le visage changeant de la guerre et les dangers des médias sociaux. La mise en garde des auteurs est sérieuse — ils commencent à défendre leur point de vue en mettant en exergue la devise de Clausewitz selon laquelle « la guerre est une continuation de la politique par d’autres moyens » et en comparant les espaces virtuels de l’Internet aux espaces physiques de la guerre. En fait, ils font valoir que, dorénavant, le sort des élections et des guerres dépend de ce qui se passe sur les médias sociaux.
Avec quatre milliards d’individus sur les médias sociaux, les ordinateurs, les tablettes et les téléphones intelligents connectent les gens et permettent la circulation des idées à un rythme jamais vu auparavant dans l’histoire humaine. En effet, Internet est passé d’un monde complexe, mais prometteur, engagé dans la diffusion quotidienne et instantanée d’informations à une entité qui, si elle est mal utilisée, menace les fondements mêmes de la démocratie libérale. La propagande hostile se glisse dans les plates-formes sociales occidentales sous la forme de robots et d’agents et distrait les gens, ou, comme certains le diraient, « les médias sociaux sont une propagande de guerre sur les stéroïdes ». Elle est si formidable qu’elle a réussi à remporter les élections et à plonger les pays dans le chaos (c’est-à-dire le printemps arabe). La guerre sur les médias sociaux est ce que les auteurs appellent la « guerre ouverte », « la guerre invisible » et la « guerre entre tous ». Dans ces « nouvelles guerres pour l’attention et le pouvoir », gagner la bataille en ligne mènera à des gains dans la bataille hors ligne.
En outre, l’ouvrage présente une grande analyse de la manière dont l’Internet a affecté et continue d’affecter les comportements et les stratégies des pays dans la défense de leurs intérêts et la gouvernance de leurs citoyens. Ils soutiennent que les médias sociaux devraient être compris à travers les prismes analytiques que nous avons appliqués à la guerre de l’information au cours des siècles, en commençant par Vvon Clausewitz et passant par tous les vieux chevaux de bataille du canon des études stratégiques. Il s’agit d’une approche novatrice, en particulier dans la littérature populaire, et, comme le livre le démontre, d’une approche perspicace.
Alors que l’« ennemi » conquiert nos esprits, influe sur nos émotions et réoriente nos perspectives sur toutes sortes de vies et que nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve ni quelle sera le dénouement de cette nouvelle « guerre », les nations investissent davantage dans la cybersécurité et s’efforcent de plus en plus à protéger leurs citoyens et leurs élections contre la subversion et les ingérences étrangères. Le défi de la démocratie et de la guerre pour la défendre sera relevé dans l’espace sans frontières du monde virtuel. Par exemple, la peur, les théories conspirationnistes, les attitudes racistes et les fausses nouvelles sont la norme dans le monde d’aujourd’hui. Un exemple donné par les auteurs est celui d’un compte Twitter du Tea Party concentré sur la propagande anti-immigrés et pro-Trump qui a réussi à transmettre son message à 22 000 abonnés en un court laps de temps. Sans compter que les fausses nouvelles se répandent plus vite et 100 fois plus loin que les vraies nouvelles.
Nous perdons le contrôle de nos vies sous des formes sans précédent. Selon Yuval Noah Harari[4], l’avenir est plutôt sombre. Avec les progrès réalisés dans les domaines de l’intelligence artificielle (IA) et de la biotechnologie et la combinaison des deux, le danger dans les années à venir n’est pas le piratage de nos comptes bancaires et/ou e-mails, mais le piratage de nos cerveaux. Harari ajoute que nous entrons dans l’ère des animaux piratables. Les progrès en apprentissage machine et en intelligence artificielle permettent de fabriquer des robots toujours plus réalistes, des Deep Fakes générés par ordinateur où les législateurs et les politiciens peuvent être programmés et manipulés pour cibler les gens avec exactement « la propagande qu’ils vont croire » et défendre.
Afin de se préparer à cet avenir inconnu et effrayant, les États doivent faire preuve de sérieux et consacrer davantage de fonds à la gouvernance et à la protection des technologies émergentes. Ce volume constitue un guide à la nouvelle guerre de ce siècle. Il s’agit d’une excellente référence pour les universitaires, les journalistes et les citoyens engagés qui s’inquiètent des dangers qui pèsent sur leur vie en raison de l’utilisation de l’IA et des réseaux sociaux comme des armes.